Tribune de Danielle BOUSQUET, présidente du haut conseil à l’Egalité, parue le 26 septembre 2018 dans le journal Libération
Il faut réaffirmer le droit des femmes à disposer de leur corps
A qui appartiennent les corps des femmes ? C’est la question à laquelle nous renvoient les débats de cette rentrée. Parler d’accès à la contraception et à l’IVG, d’éducation à la sexualité ou de possibilité de recours à la procréation médicalement assistée (PMA), c’est poser le sujet du droit des femmes à disposer de leur corps.
Depuis les années 70 et la deuxième vague du mouvement féministe, les femmes ont indéniablement gagné dans la maîtrise de leur capacité reproductive. A force de luttes, elles ont conquis des droits et fait évoluer des pratiques. Pourtant, malgré ces avancées, d’aucuns veulent encore et toujours refuser aux femmes de pouvoir décider elles-mêmes : en les accusant de commettre un «meurtre» lorsqu’elles avortent ; en les culpabilisant parce qu’elles souhaitent, indépendamment de leur orientation sexuelle, accéder à la PMA ; en entravant l’éducation à la sexualité à l’école, levier pourtant indispensable à une réelle information et à des choix éclairés pour toutes et tous.
Car le contrôle des corps des femmes, c’est le cœur même de la domination masculine et des inégalités femmes-hommes, tel que nous expliquait l’anthropologue Françoise Héritier : «Réduites à leur fonction de procréatrices, les femmes sont devenues un objet d’échange entre les hommes pour qu’ils se garantissent la possibilité d’avoir des fils. Toute une autre série de mesures ont ensuite instauré la « domination masculine » : privation de libertés, privation de l’accès au savoir et privation d’accès à toute fonction d’autorité.»
Combattre la plus ancienne domination est la première des conditions nécessaires à la construction d’une société de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour consacrer pleinement le droit des femmes à disposer de leur corps, le haut conseil appelle à :
– La suppression de la clause de conscience spécifique à l’avortement. En effet, une clause de conscience existe déjà de manière générale pour tout personnel soignant et pour l’ensemble des actes médicaux. Donc la clause de conscience spécifique à l’avortement est inutile. Vestige d’une loi de quarante ans, elle n’a plus lieu d’être alors qu’aujourd’hui, une femme sur trois a recours à une IVG au cours de sa vie. L’IVG doit être un droit à part entière et non plus un droit à part.
– La consécration dans la Constitution du droit à la contraception et à l’avortement. Notre Constitution commune doit être celle des femmes et des hommes de notre pays et ce droit fondamental doit y apparaître pour que personne ne puisse le remettre en cause.
– Le déploiement des moyens humains et financiers nécessaires à la pleine mise en œuvre de l’éducation à la sexualité à l’école.
– L’ouverture de la PMA à toutes les femmes. L’exclusion de l’accès à la PMA des couples de lesbiennes et des femmes célibataires constitue une double discrimination : en raison de leur sexualité ou de leur conjugalité. La situation actuelle d’exclusion expose les milliers de femmes concernées par an à des risques sanitaires importants (moindre suivi gynécologique, infections sexuellement transmissibles, etc.), comme à de fortes inégalités sociales eu égard au coût d’une PMA à l’étranger.
A l’occasion des Journées internationales de la contraception ce mercredi et du droit à l’avortement vendredi, et alors que s’ouvre l’Assemblée générale de l’ONU, le haut conseil appelle les pouvoirs publics à la mobilisation générale, en France comme dans le monde, pour reconnaître que les corps des femmes n’appartiennent qu’à elles seules.
Danielle BOUSQUET présidente du haut conseil à l’Egalité