Les proxénètes belges et leurs amis sont en grande forme !
Ils viennent de convaincre le gouvernement et le parlement fédéral d’adopter une loi qui permet de tirer profit en toute légalité de la prostitution d’autrui. Une personne pourra désormais signer un contrat de « travail sexuel » en tant que salariée, et son proxénète sera considéré comme un employeur lambda. Comme de nombreuses associations féministes belges, nous sommes révoltées par le franchissement de ce nouveau seuil dans la normalisation de la violence prostitutionnelle. Par où commencer ?
Peut-être par ce constat simple : cette loi, sans surprise, est une loi d’hommes.
Elle a été rédigée par trois ministres hommes. Ceux-ci ont activement collaboré avec le lobby du « travail du sexe », mais n’ont pas pris la peine de solliciter les associations féministes qui accompagnent les personnes en situation de prostitution. Elle a été votée par une majorité d’hommes (ils représentent environ 58% des parlementaires belges). A l’inverse, les victimes de cette loi seront presque exclusivement des femmes, puisque 95% des personnes prostituées en Belgique sont de sexe féminin.
Venons-en au fait : cette loi est dangereuse, et elle est lunaire. Alors qu’elle prétend faire de la prostitution un travail comme les autres, son texte démontre tout l’inverse !
D’abord, l’existence même de « contrats de travail sexuel » contrevient aux droits des travailleur·euses à être protégé.es du harcèlement sexuel. En effet, conditionner un emploi à la réalisation d’actes sexuels est, par définition, une forme de harcèlement sexuel ! Ensuite, un contrat de travail implique une relation de subordination, dans laquelle l’employé.e est obligé·e d’accomplir les tâches prévues. Sauf qu’en tentant d’appliquer cette logique à des actes sexuels, on vient se frotter dangereusement à la législation sur le viol…
Le texte de loi prévoit donc une multitude d’exceptions au droit du travail, la plus incroyable étant qu’un proxénète n’a pas le droit de sanctionner ou licencier une personne prostituée qui refuse d’accomplir un acte sexuel. La réalité, la voilà : la prostitution est si éloignée d’un travail normal que pour reconnaître le « travail sexuel » dans la loi, il faut dynamiter soit le droit du travail, soit la législation sur les violences sexuelles !
Surtout, cette loi ignore totalement les véritables besoins des personnes concernées, dont la grande majorité sont des femmes étrangères victimes de la traite, qui souhaitent avoir les moyens de sortir de l’enfer prostitutionnel – et non pas continuer à subir des viols tarifés en toute légalité. La rapporteuse spéciale des Nations Unies, Reem Alsalem, vient d’ailleurs d’appeler les Etats à adopter le modèle abolitionniste de la prostitution, à l’opposé du chemin emprunté par la Belgique. Les profits du marché du sexe valent-ils vraiment la peine de cracher ainsi sur les droits humains et sur les droits des femmes ? Faire de l’Etat belge lui-même, au moyen de l’impôt, le plus gros proxénète du royaume, est-ce ça le progrès célébré par les défenseurs du « travail du sexe » ?
Félicie Kempf