C’est une petite question posée comme ça, l’air de rien, en passant. Une invitation à s’exprimer, à prendre la parole, là tout de suite maintenant, à donner un avis éclairé de spécialiste pas forcément spécialisé·e en la matière. Une petite question comme une injonction, il faut parler, dire quelque chose, vous qui êtes si promptes à vous indigner, qu’avez-vous à dire sur le sujet ? Parlez, on vous écoute ! L’injonction devient intimation, on vous somme de vous désolidariser, de condamner publiquement, il faut une parole forte et engagée ! L’intimation devient accusation, car qui ne dit mot consent, et votre silence est révélateur, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? L’accusation finit en silenciation, aaaaah ces pseudo-gaucho- féministes, elles n’ont jamais rien à dire sur rien, alors à quoi bon leur donner la parole ?
Et, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, la boucle est bouclée : on ne les écoute pas, on leur ordonne de parler, on ne les écoute plus.
Le sujet du scandale ? Peu importe. Le frère/père/fils d’une des leurs en garde à vue, une histoire de violence conjugale au sein d’un couple de femmes, le dérapage sexiste d’un supposé allié… tous les prétextes sont bons quand il s’agit de se payer les féministes, surtout si on peut y mêler un peu de racisme et/ou d’homophobie.
Mais eux, qu’ont-ils à dire sur le sujet ? Rien. Ils ne disent rien. Ils interpellent et invectivent, bien au chaud derrière leur pseudo sur les réseaux (a)sociaux, mais ils ne disent rien, ne font rien… et peut-être ne pensent-ils rien. Les droits sexuels et reproductifs ? Pas leur problème. Les violences conjugales ? #NotAllMen. Le viol comme arme de guerre ? Pas chez eux.
Ils ne disent rien, ne font rien, et n’écoutent rien d’autre que leurs propres discours. Fiers de leur mépris et du vide de leur pensée, ils se gaussent et se félicitent d’avoir cloué le bec à cette militante « trop » engagée et à cette autre « pas assez » féminine. Pendant ce temps, des épouses sont tuées, des fillettes sont mariées, des civiles sont violées, et nous n’avons plus le temps de perdre du temps. Alors, aux injonctions de ceux qui crient avec les loups, nous préférons l’action de celles qui s’engagent.
Avec elles, pour elles… Pour vous, pour nous.
Florence Fortin-Braud