Du 21 au 25 juin 2021 a eu lieu le procès de Valérie Bacot.
Aujourd’hui âgée de quarante ans, Valérie Bacot a été jugée pour l’assassinat de Daniel Polette, son mari et ancien beau-père.
Dès l’âge de douze ans, Valérie Bacot a subi des attouchements sexuels et viols de la part de son beau-père. À quatorze ans, elle porte plainte contre son agresseur qui fera alors deux ans et demi de prison, avant de revenir au domicile familial sans suivi ni contrôle des autorités. Les agressions sexuelles recommenceront et Valérie Bacot tombera enceinte à 17 ans. Avec le consentement de sa mère, la jeune fille est forcée d’emménager avec son bourreau et de l’épouser. De cette union forcée naîtront quatre enfants.
Pendant plus de vingt ans Valérie Bacot a vécu sous le joug d’un homme violent et dangereux, sous le joug de son bourreau. Il faisait régner la peur au sein du domicile familial, infligeant des coups aux enfants et maltraitant de physiquement, sexuellement et psychologiquement sa femme.
Après aménagement de la voiture familiale, Valérie Bacot a été contrainte de se prostituer, les passes se faisaient sous les ordres de son mari dictés dans une oreillette.
Le 13 mars 2016 après avoir subi le viol d’un client violant, Valérie Bacot tue Daniel Polette avec l’arme que le bourreau utilisait pour menacer de mort sa victime.
Apeurée, elle enterre le corps dans un bois près du château de la Clayette. Elle signale la disparition de son mari et le corps sera retrouvé le 3 octobre 2017. Mise en détention provisoire lors de l’année 2017-2018 Valérie Bacot est défendue par Maître Janine Bonaggiunta et Maître Nathalie Tomasini déjà avocates dans le dossier Jacqueline Sauvage, premier grand procès sur la notion de légitime défense en cas de violences conjugales.
Avec le soutien des féministes, la défense a choisi de médiatiser l’affaire pour que Valérie Bacot soit soutenue et entendue, elle encourrait la prison à perpétuité. Une pétition a été lancée et a reçu plus de 600 000 signatures.
Le procès a débuté le 21 juin 2021 à Chalon-sur-Saône, quatre jours plus tard, le 25 juin le verdict est rendu.
« Justice a été rendue » déclare Me Tomasini.
Valérie Bacot, est déclarée coupable et est condamnée à quatre ans de prison dont trois avec sursis. Ayant déjà passé une année en détention provisoire elle sort libre du tribunal, elle ne retournera pas en prison.
« Le verdict de la cour d’assises de Chalon-sur-Saône fera date, parce qu’ont été évoquées toutes ces notions fondamentales d’emprise extrêmement sévère, de syndrome de la femme battue, de syndrome de Stockholm » explique l’avocate.
En effet la grande avancée de cette affaire est la reconnaissance, par un psychiatre, du syndrome de la femme battue (SFB). Le SFB est une condition qui caractérise une situation d’emprise liée à la persistance des violences conjugales exercées sur une femme, souvent de façon continue pendant une longue durée ; qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles de la part de son partenaire intime.
Déjà reconnu en 1990 au Canada, le SFB est pour la première fois évoqué et retenu dans un rapport d’expertise judiciaire en France.
Face à l’avocat général qui demandait pourquoi Valérie Bacot n’avait pas porté plainte, le psychiatre répond : « En réalité, elle n’est jamais seule. Qu’il soit là physiquement ou pas, son mari est toujours dans sa tête et elle continue de vivre avec ses diktats. Il reste présent même quand il est absent. C’est ça le processus d’emprise, c’est permanent ».
On ne peut pas juger Valérie Bacot, et toutes les femmes dans des situations similaires, sans considérer ce syndrome.
« Elles (les femmes victimes de SFB) ne sont plus en capacité de prendre une décision, elles n’ont plus la maîtrise et le contrôle de leurs actes et elles ne vont avoir d’autre solution raisonnable que de finalement tuer pour ne pas mourir. Pour survivre » explique Me Tomasini.
La veille du meurtre, la fille de Valérie Bacot — alors âgée de quatorze ans — avait rapporté à sa mère que son père, Daniel Polette, l’avait interrogée sur ses connaissances et pratiques sexuelles.
De cette confidence Valérie Bacot a craint que sa fille devienne la nouvelle victime de son père. Ce fut le déclencheur de son acte.
Aujourd’hui, Valérie Bacot est libérée de prison, mais pas de l’emprise son mari. Elle craint encore son retour, elle est gravement traumatisée et n’a pas trouvé le sommeil depuis, en réalité, ses douze ans. Le jury a imposé une obligation de soins à la condamnée qui en était déjà demanderesse.
Valérie Bacot est devenue un symbole. « Toutes les femmes devraient se battre comme elle ! Ce n’est pas elle qu’il fallait juger, mais le système », devise une passante.
Comment Daniel Polette a-t-il pu revenir au domicile de sa victime sans craintes ?
Pourquoi les gendarmes n’ont-ils pas pris au sérieux la plainte des enfants de Valérie Bacot ?
Qui est réellement victime ? qui est réellement coupable dans cette affaire ?
Le livre de Valérie Bacot racontant son calvaire a été publié en 2021. Il est intitulé Tout le monde savait.
Elisa Landon.